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Gergana Ivanova 9 minutes
Les maladies inflammatoires de l’intestin se manifestent par une inflammation de la paroi digestive. Un dysfonctionnement du système immunitaire intestinal serait en cause dans ces maladies. Bien qu’il n’existe pas de traitement curatif, de nombreuses pistes de recherche sont explorées afin d’améliorer la prise en charge des patients. On fait le point.
Comprendre l’inflammation de l’intestin
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (ou MICI) se caractérisent par une inflammation incontrôlée et récurrente de l’intestin. (1) Leur incidence et leur prévalence sont élevées et en augmentation dans les pays occidentaux (1), particulièrement en Europe et aux Etats-Unis. Parmi les formes les plus fréquentes de maladies inflammatoires de l’intestin, on compte la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse.
La maladie de Crohn peut causer de l’inflammation dans toutes les parties du tube digestif, de la bouche à l’anus. Les segments les plus touchés sont l’estomac, les intestins ainsi que l’œsophage. (2) À l’inverse, la colite ulcéreuse est quant à elle davantage localisée : comme son nom l’indique, elle affecte le plus souvent le côlon. Si ces deux maladies enflamment la muqueuse de l’appareil digestif, elles peuvent avoir des effets sur d’autres parties du corps : la peau, le foie, les articulations, les os.
Inflammation de l’intestin : quelles sont les causes ?
Les causes des maladies inflammatoires de l’intestin sont encore mal connues. Toutefois, elles résulteraient de réponses immunitaires dérégulées, liées à des prédispositions génétiques. De même, des facteurs environnementaux et des habitudes de vie (tabac, pollution…) seraient aussi impliqués. De nombreuses études ont également mis en évidence le rôle des altérations de la microflore intestinale. (2)
En contact permanent avec le mucus et les cellules épithéliales de la muqueuse intestinale, le microbiote de l’intestin exerce probablement un rôle majeur dans la survenue des MICI et/ou l’entretien des lésions intestinales. (3)
L’une des causes les plus prononcées identifiées en termes d’altération du microbiote associée aux MICI est la diminution de l’abondance de Faecalibacterium prausnitzii. Cette bactérie dominante dans le microbiote intestinal humain présente des effets anti-inflammatoires. Mais, sa présence est réduite chez les patients atteints de maladies inflammatoires de l’intestin.
Une dysbiose, induite par le régime alimentaire par exemple, peut aussi affecter la perméabilité intestinale et s’accompagner d’une inflammation chronique, dite de bas grade car silencieuse.
En effet, la perméabilité de la muqueuse intestinale apparaît comme un facteur-clé dans le déclenchement des réactions inflammatoires et des maladies auto-immunes. Une hyperméabilité entraîne le passage anormal de grosses particules à travers la paroi intestinale. La muqueuse est alors fragilisée, elle ne fonctionne plus correctement et laisse passer dans la circulation des substances indésirables.
Quelles sont les manifestations des maladies inflammatoires de l’intestin ?
Les maladies inflammatoires de l’intestin touchent l’appareil digestif et rendent certaines activités quotidiennes difficiles et inconfortables. Le principal désagrément de la colite ulcéreuse est un trouble du transit avec une diarrhée qui s’accompagne souvent de sang dans les selles. Ces dernières peuvent également contenir du mucus et des crampes abdominales surviennent lors de poussées inflammatoires.
Les symptômes de la maladie de Crohn sont plus variés. Le plus souvent, elle entraîne des douleurs abdominales, une diarrhée chronique, la présence de sang dans les selles, des ballonnements et des flatulences. Elle est également associée à de la fatigue et parfois de la fièvre, une perte d’appétit et/ou de poids, des ulcères buccaux, de l’arthrite, ou encore un ralentissement de la croissance chez l’enfant.
Pour finir, des carences vitaminiques sont causées par cet état inflammatoire et une mauvaise absorption intestinale des aliments.
Comment réduire l’inflammation dans les intestins ?
L’adoption d’une alimentation anti-inflammatoire
L’alimentation favorise ou réduit l’inflammation. (4) En effet, une alimentation riche en acide gras saturés conduit à un risque accru de colite ulcéreuse. Les effets d’un régime pauvre en graisses et riche en fibres par rapport à un régime américain standard amélioré (incluant des quantités plus importantes de fruits, de légumes et de fibres), ont été étudiés dans une étude croisée (5).
Des données sur la qualité de vie, les marqueurs de l’inflammation et les marqueurs fécaux d’une dysbiose intestinale chez les patients ont été recueillies. Si les deux régimes alimentaires ont été bien tolérés et ont amélioré leur qualité de vie, le régime riche en fibres a diminué les marqueurs d’inflammation et réduit la dysbiose intestinale dans les échantillons fécaux. Une approche diététique pourrait donc être bénéfique dans la prise en charge des maladies inflammatoires de l’intestin.
De même, l’adoption du régime méditérannéen, caractérisé par une consommation d’aliments végétaux variés, une consommation limitée d’aliments d’origine animale et une vie active, a montré une amélioration des maladies inflammatoires de l’intestin et des marqueurs inflammatoires. (6)
La modulation du microbiote intestinale
Les effets des probiotiques sur la physiologie digestive sont très encourageants pour contrôler les maladies chroniques de l’intestin (3). La modulation du microbiote intestinal dans cette pathologie peut ainsi être obtenue par l’utilisation de probiotiques mais également de prébiotiques. À titre d’exemple, des données métagénomiques ont montré une corrélation entre l’abondance d’Akkermansia muciniphila et les maladies inflammatoires de l’intestin, ainsi que l’obésité et le diabète. (7)
Le potentiel de cette bactérie en tant que probiotique immunomodulateur a été examiné dans des modèles expérimentaux. Cette bactérie anaérobie a montré un ralentissement du développement et de la progression du diabète, de l’obésité et des MICI chez la souris. D’autres études cliniques sont nécessaires pour évaluer les rôles bénéfiques et ses mécanismes d’action de ce probiotique dans les maladies auto-immunes et inflammatoires chroniques.
De plus, les acides gras à chaîne courte, synthétisés par les bonnes bactéries intestinales lors de la fermentation des aliments, ont montré un renforcement des jonctions serrées et la résistance trans-épithéliale, entraînant ainsi une augmentation de la barrière intestinale. (8) Les relations entre microbiote et perméabilité intestinale restent cependant encore à explorer par d’autres travaux.
Les compléments alimentaires pour prévenir les carences nutritionnelles
Les diarrhées fréquentes et sévères amènent parfois à une carence nutritionnelle, ce qui peut nécessiter une supplémentation en fer, acide folique, zinc, magnésium, vitamines…(2) Ces suppléments sont administrés par voie orale ou intraveineuse. Pour les enfants, il faut parfois utiliser la nutrition entérale, seule ou en complément.
De plus, il faut souligner que le statut en vitamine D dans la gestion des MICI chez l’homme doit être optimal. En effet, outre son rôle dans l’homéostasie du calcium et du phosphore ainsi que dans le métabolisme osseux, cette vitamine est connue pour son activité en tant qu’immuno-modulateur, en particulier ses effets anti-inflammatoires.
Un déficit en vitamine D, en particulier en hiver et au printemps lorsque sa fabrication induite par les rayons UV est faible, a été associé à des maladies inflammatoires dont celles de l’intestin. La malabsorption intestinale de la vitamine D contribue également à une déficience de cette vitamine. Si les bénéfices d’une supplémentation en vitamine D pour les patients ne sont pas encore clairs, un meilleur statut en vitamine D pourrait aider à prévenir l’apparition des MICI ainsi qu’à améliorer l’intensité de la maladie. (9)
La glutamine semble également jouer un rôle majeur dans la physiologie intestinale et la prise en charge de nombreuses maladies intestinales. Substrat majeur utilisé par les cellules intestinales, cet acide aminé favorise la prolifération des entérocytes, régule l’expression des protéines de jonctions serrées et offre des propriétés anti-inflammatoires. Comme les réserves de glutamine sont épuisées en cas de stress métabolique, notamment en cas de MICI une supplémentation en glutamine pourrait avoir un rôle potentiel et intéressant pour la santé intestinale.
En parallèle, des médicaments anti-inflammatoires sont en général proposés afin de prévenir les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin évoluant par poussées. Pour protéger et nourrir la flore, une cure de probiotiques est également recommandée. Des complexes de probiotiques peuvent combiner tous les nutriments nécessaires.
Sources scientifiques :
- Sothea Touch, et al., Human CD4+CD8α+ Tregs induced by Faecalibacterium prausnitzii protect against intestinal inflammation, 2022, JCI Insight. 2022;7(12):e154722. https://doi.org/10.1172/jci.insight.154722.
- INSERM, Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), Contrôler les symptômes pour retrouver une qualité de vie satisfaisante, 2017.
- Philippe Seksik, Probiotiques et maladies inflammatoires chroniques intestinales, 2008, Doi : CND-04-2007-42-HS2-0007-9960-101019-200703113.
- Kakodkar S, Mutlu EA. Diet as a Therapeutic Option for Adult Inflammatory Bowel Disease. Gastroenterol Clin North Am. 2017 Dec;46(4):745-767. doi: 10.1016/j.gtc.2017.08.016. PMID: 29173519; PMCID: PMC5821251.
- Fritsch J, et al., Low-Fat, High-Fiber Diet Reduces Markers of Inflammation and Dysbiosis and Improves Quality of Life in Patients With Ulcerative Colitis. Clin Gastroenterol Hepatol. 2021 Jun;19(6):1189-1199.e30. doi: 10.1016/j.cgh.2020.05.026. Epub 2020 May 20. PMID: 32445952.
- Chicco F, Magrì S, Cingolani A, Paduano D, Pesenti M, Zara F, Tumbarello F, Urru E, Melis A, Casula L, Fantini MC, Usai P. Multidimensional Impact of Mediterranean Diet on IBD Patients. Inflamm Bowel Dis. 2021 Jan 1;27(1):1-9. doi: 10.1093/ibd/izaa097. PMID: 32440680; PMCID: PMC7737160.
- Rodrigues VF, Elias-Oliveira J, Pereira ÍS, Pereira JA, Barbosa SC, Machado MSG, Carlos D. Akkermansia muciniphila and Gut Immune System: A Good Friendship That Attenuates Inflammatory Bowel Disease, Obesity, and Diabetes. Front Immunol. 2022 Jul 7;13:934695. doi: 10.3389/fimmu.2022.934695. PMID: 35874661; PMCID: PMC9300896.
- Laurent Genser,et al., L’altération de la perméabilité intestinale : chaînon manquant entre dysbiose et inflammation au cours de l’obésité ?,Med Sci (Paris). 32(5): 461–469. doi: 10.1051/medsci/20163205012.
- Fletcher J, Cooper SC, Ghosh S, Hewison M. The Role of Vitamin D in Inflammatory Bowel Disease: Mechanism to Management. Nutrients. 2019 May 7;11(5):1019. doi: 10.3390/nu11051019. PMID: 31067701; PMCID: PMC6566188.