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Gergana Ivanova 9 minutes
L’endométriose est une maladie gynécologique fréquente et complexe. Elle touche près de 10 % des femmes en âge de procréer à l’échelle mondiale, soit 176 millions de femmes dans le monde (1). Pour améliorer le bien-être des femmes atteintes d’endométriose, les chercheurs tentent de mieux comprendre les mécanismes de cette maladie. En parallèle d’une prise en charge médicale, la micronutrition peut aider les femmes à améliorer leur qualité de vie et soulager les maux associés.
L’endométriose, qu’est-ce que c’est ?
Les mécanismes à l’origine de l’endométriose
L’endomètre est la muqueuse de l’utérus. Chaque mois, lors des cycles menstruels, il s’épaissit naturellement sous l’effet des hormones ovariennes, pour favoriser la nidation d’un éventuel embryon. S’il n’y a pas de fécondation, l’endomètre se desquame, c’est-à-dire qu’il se désagrège et se détache des parois de l’utérus, appelé le myomètre. Il s’agit des menstruations.
En temps normal, le sang menstruel, composé de fragments d’endomètre (ou dentelle utérine), est évacué au cours des règles. Mais, dans le cas d’endométriose, ces tissus semblables à la muqueuse utérine migrent en dehors de l’utérus. (3) Ils se greffent sur les organes voisins au lieu de s’évacuer par le vagin lors des règles. Le vagin, les trompes de Fallope, les ovaires, le côlon, la vessie sont les principaux organes touchés.
Les tissus formés de cellules endométriales en dehors de l’utérus possèdent les mêmes caractéristiques que la muqueuse utérine : à chaque cycle, les lésions prolifèrent, saignent sous l’influence des hormones ovariennes et provoquent des douleurs.
C’est ce qu’on appelle la théorie de la « menstruation rétrograde ». Toutefois, ce « flux rétrograde » existe aussi chez des femmes sans endométriose.
Les symptômes de l’endométriose
L’endométriose peut être asymptomatique. Elle est alors découverte suite aux difficultés rencontrées pour concevoir un enfant lors d’un bilan d’infertilité. L’endométriose peut en effet provoquer des problèmes de fertilité (2).
Mais, la maladie peut aussi être symptomatique. On peut identifier les symptômes de l’endométriose par les 5 D :
- Dysménorrhée
- Dyspareunie profonde
- Dysurie
- Dyschésie
- Douleurs pelviennes chroniques
Le principal symptôme ressenti est une douleur pelvienne chronique (2), en particulier lors des menstruations. En effet, les tissus utérins présents en dehors de la cavité utérine saignent sous l’effet des hormones féminines à chaque cycle et induisent une douleur. L’endométriose touche près de 40% des femmes qui souffrent de douleurs pelviennes chroniques. (1)
En dehors des périodes de menstruations, l’endométriose peut entraîner une dyspareunie (douleur durant les rapports sexuels) ou une dysurie (miction douloureuse).
Un examen clinique et échographique, voire par IRM, aide à visualiser les lésions d’endométriose, même si le diagnostic définitif doit passer par l’analyse du tissu prélevé au cours d’une chirurgie.
La prise en charge médicale de l’endométriose
L’endométriose est une maladie inflammatoire hormono-dépendante. (3) Pour une femme découvrant son endométriose en raison de douleur, il convient de stopper les règles via un traitement hormonal. Les menstruations peuvent être supprimées par une pilule en continu ou par un stérilet libérant des hormones. Les douleurs liées à la réponse hormonale des lésions d’endométriose sont réduites. Les lésions sont stabilisées mais ne sont pas totalement éliminées.
Prise en charge nutritionnelle
Bien que les traitements puissent inclure une prise en charge médicale ou chirurgicale, il n’existe pas aujourd’hui de traitements définitifs de l’endométriose. (4) Un mode de vie sain et une alimentation équilibrée peuvent stabiliser les lésions d’endométriose et améliorer la qualité de vie des femmes. En effet, les facteurs nutritionnels et les habitudes alimentaires jouent un rôle important dans le développement des maladies gynécologiques. (5)
Moduler le climat oestrogénique
Lorsque les lésions d’endométriose sont sensibles aux hormones, la micronutrition peut venir en aide et diminuer le taux d’oestrogènes.
Réduire le taux d’œstrogène
L’aromatase est une enzyme impliquée dans la production d’œstrogènes. Son inhibition élimine efficacement la production d’œstrogènes. (7)
Plusieurs facteurs sont connus pour augmenter l’activité de cette enzyme : l’âge, l’obésité, l’insuline, les gonadotrophines et l’alcool. Il est donc recommandé de diminuer la consommation d’alcool, de faire baisser le taux de glycémie en réduisant les aliments à index glycémique élevé, d’adopter une alimentation saine et équilibrée.
À l’inverse, les isoflavones (soja) et les lignanes (graines de lin) ont des effets positifs sur le contrôle des taux d’œstrogène (6) : ces phytoestrogènes se lient aux récepteurs des œstrogènes. Elles limitent ainsi la fixation des œstrogènes et des perturbateurs endocriniens sur les récepteurs.
Favoriser la détoxication des oestrogènes
La micronutrition peut aider à soutenir la détoxification hépatique.
Extraite de la betterave, la bétaïne est une substance végétale qui soutient la digestion et lutte contre l’accumulation des graisses dans le foie. De même, la choline, un nutriment essentiel naturel, permet de maintenir un fonctionnement hépatique optimal. (10)
Le di-indolylméthane (DIM) permet aussi de moduler les effets des œstrogènes. Cette molécule naturelle est issue de la digestion de l’indole-3-carbinol, présente dans les légumes crucifères. Elle contribue à moduler le métabolisme des œstrogènes. Il est donc recommandé de consommer 2 à 3 fois par semaine des crucifères tels que le brocoli, le chou-fleur, les radis, le navet, le cresson, la roquette ou encore le raifort.
Au niveau du foie, la méthylation participe aux réactions de détoxication hépatique. C’est pourquoi il est intéressant de consommer des aliments riches en groupes méthyles : les légumes verts feuillus, les légumineuses, les céréales à grains entiers, les germes de blé, l’avocat, la levure de bière, le poisson, la viande, la betterave, le quinoa, les épinards.
Enfin, certaines plantes peuvent aussi aider le foie à se régénérer et se purifier, tels que le chardon marie, le radis noir, l’artichaut, le thé vert et le curcuma.
Limiter l’exposition aux perturbateurs endocriniens
Les perturbateurs endocriniens sont définis comme des substances pouvant interférer avec le fonctionnement des glandes endocrines, responsables de la sécrétion des hormones. Dans le cadre de l’endométriose, les perturbateurs endocriniens à redouter sont les xeno-oestrogènes, qui stimulent le développement des cellules endométriales.
Les aliments les plus contaminés sont les produits animaux (surtout ceux riches en graisses). Il est donc recommandé d’éviter les produits laitiers gras (beurre, crème et fromages gras), les viandes bovines, la charcuterie et les poissons hauts dans la chaîne alimentaire.
Réduire l’inflammation et le stress oxydatif
La douleur pelvienne chronique est notamment associée à une dérégulation de la fonction cellulaire favorisant l’inflammation chronique et le stress oxydatif. (2) Cibler le stress oxydatif semble être une stratégie prometteuse pour à la fois freiner la progression des lésions endométriosiques et atténuer les symptômes de douleur chronique et d’infertilité associés à l’endométriose. (2)
De plus en plus d’études suggèrent que les acides gras oméga-3 EPA et DHA ont un impact positif sur les réactions inflammatoires. La réduction de l’inflammation et du stress oxydatif résulte ainsi d’un juste équilibre entre les acides gras oméga-3 et oméga-6.
Les oméga-3 doivent donc être apportés en quantité suffisante par le biais des compléments alimentaires ou par l’alimentation : l’huile de lin, le colza, la cameline, les poissons gras (anchois, sardines, maquereaux, hareng, saumon, thon…)…
Optimiser l’écosystème intestinal
La compréhension du rôle du microbiote dans l’étiologie de l’endométriose suscite un intérêt croissant. (8) Adopter une alimentation équilibrée favorise le développement d’une flore eubiotique, riche en bifidobactéries et lactobacilles (légumes et fruits en grande quantité, légumineuses, céréales complètes, acides gras oméga 3).
Un déséquilibre de la population bactérienne intestinale entraîne donc une altération du système immunitaire et de la réaction inflammatoire. Il est donc indispensable, dans le cadre de l’endométriose, de rééquilibrer la flore intestinale et de restaurer la perméabilité intestinale.
Sources :
- Endométriose : quel accompagnement micronutritionnel?, Pascale Luyts, Webinaire, 10mai 2022
- The New England Journal of Medicine, 2020
- Can endometriosis related oxydative stress pave the way for new treatment targets, Luciana Cacciotola, MM Dolmans, Jacques Donnez, International Journal of Molecular Sciences, 2021
- Curcumin and endometriosis : Review on potential roles and molecular mechanism, Arablou, Biomedicine & Pharmacothearpy, 2018
- Diet and endometriosis – revisiting the linkages to inflammation, Journal of Endometriosis and Pelvic Pain Disorders, 2018
- Diet and nutrition in gynecological disorders : A focus on clinical studies, Afrin, Nutrients, 2021
- Intérêt des lignanes dans la prévention et le traitement des cancers, Frédéric Lamblin, Médecine/Sciences 2008
- Regulation of aromatase expression in estrogen-responsive breast and uterine disease, Gonca Imir Yenicesu, Pharmacological reviews,october 2005
- The role of gut and genital microbiota and the estrobolome in endometriosis, infertility and chronic pelvic pain, Human reproduction update, Mary E. Salliss, october 27,2021
- Vitamin D and Endometrium : A systematic review of a neglected area of research, Cermisoni, International Journal of Molecular Sciences, 2018
- Zeisel SH, Blusztajn JK. Choline and human nutrition. Annu Rev Nutr. 1994;14(1):269-296.